Lettre aux « gens » avant le vote de dimanche #ouijevote 

Chers « les gens »,

Je vous lis sur Facebook, sur twitter, dans les commentaires des articles Yahoo. Vous ne semblez pas être ceux que je croise  dans les clubs de sport, au boulot, dans mes bistrots préférés. Je lis beaucoup de désillusions. Elles se transforment souvent en détestations de tout, parfois même en haine. 
Vous ne croyez plus aux politiques . Vous ne croyez  plus en la France.  Vous ne croyez plus en la liberté d’expression. Vous ne croyez plus au RC Lens . Vous ne croyez plus en la presse . Vous n’avez jamais cru en l’Europe. Vous voyez des complots partout. Vous ne croyez plus ni même à la météo ou aux pronostics du tiercé. Les fonctionnaires sont tous des fainéants, les chefs d’entreprise des voyous. Tout le monde nous ment.  A tout incident vous avez l’idée d’une loi. A tout drame des présumés coupables. Il vous faut toujours plus de frontières et toujours plus de securité. Vous êtes contre les radars et les gendarmes. Il vous faut des dos d’ânes dans votre rue mais vous gueulez contre ces maires qui en foutent partout. Il vous faut moins de fonctionnaires et moins d’élus mais il faut absolument garder l’Alsace indépendante. Et vous allez peut-être voter FN ou même ne pas voter. 

Vous hurlez avec les loups ou relayez les 1ères rumeurs qui passent et les premiers délires qui circulent. Tant pis si c’est faux, qu’on vous  prouve que c’est un fake ou une rumeur propagée par des malfaisants pour que les idées nauséabondes se répandent . « C’est pas grave » répondez-vous , « c’est pour toutes les fois où c’est vrai » justifiez-vous. Les coupables sont designés, montrés du doigt, soumis a la vindicte populaire. Dans le désordre, ce sont les migrants, les allocataires de la caf , les élus et les politiques en général , les journalistes, les fonctionnaires.. J’en oublie un peu, mais les principaux sont là. 

Je réfute obstinément l’idée que rien ne va en France. Bien sûr je suis un privilegié. J’ai vécu heureux dans une famille heureuse. Je vis aujourd’hui à l’abri du besoin avec la possibilité de « voir venir » comme on dit. J’en suis conscient, cela ne me rend ni aveugle ni insensible ni perché. Mais ceux que je lis ne sont pas tous dans le désespoir. D’ailleurs, soyons réalistes, les 40% de votants qui s’apprêtent peut-être à mettre un bulletin Front National dans l’urne ne sont pas non plus tous desespérés. 
La France est aussi un magnifique pays où tout est possible. Et les élus de ces 50 dernières années ne l’ont pas envoyée dans le mur. Et ni Sarko, ni Hollande bien sûr, soyons sérieux ! Oui, on peut entreprendre, créer, réussir en France. Oui, on peut accéder facilement , librement, gratuitement à une éducation, une médecine, une culture de haute qualité. On peut s’exprimer, on peut s’opposer, on peut voter (même des conneries). Ce sont des lieux communs ? Mais enfin, dans combien de pays a t’on le droit à ça ? 

Comment peut-on arriver à une telle défiance ? Bien sûr, il y a mille raisons, mais evidemment moi aussi comme vous j’ai quelques coupables. Je ne m’en priverai pas. J’en veux notamment un peu à ceux qui ont dégradé l’action politique. J’en veux aux humoristes qui ont caricaturé à l’extrême. Je suis un peu perturbé de savoir par exemple qu’en 2007, plus de 60% des jeunes se disaient être influencés par  » Les Guignols de l’Info » .
 Je suis peut être rétrograde mais je ne trouve pas normal qu’une certaine presse  puisse dire d’un président qu’il est un « voyou » ou baptiser un autre « Flamby ». Je ne trouve pas légitime que pour quelques escrocs , toute une caste soit traitée de bandits. Normal de le faire pour ceux qui dérapent mais dommage de ne pas suffisamment parler de ceux qui agissent. 
Alors oui bien sûr que j’en veux à  ceux qui ont profité d’un système, ceux qui ont confondu les caisses de leur collectivité avec leur portefeuille. Et j’en veux aussi aux politiques qui ont transformé leur action en show-biz, qui se sont mis à chanter chez Drucker et à faire de la politique spectacle.  Oui. Il y a sans doute trop d’élus dans tous les sens, dont certains avec des rôles flous, incompréhensibles, et surtout méconnus. Mais pour autant, sont-ils tous des voleurs, des corrompus, des salauds ? Tous , sans exception ? Soyons raisonnables. 

Moi, je vois aussi des militants, des élus, investis pour ce qu’ils pensent juste, qui se battent pour des gens, pour leurs convictions, qui se donnent sans compter, et ce parfois au detriment de leur vie professionnelle et familiale. Oui, je pense qu’il faut profondément changer les choses, revoir des fonctionnements, donner un bon coup de pied dans certains fourmillières, éviter les mille-feuilles…. Mais bon sang,  tout cela ne sert pas « à rien » comme je peux le lire trop souvent ! 

Alors, si on prenait tous un peu de recul par rapport à tout ça ? Et si on regardait aussi ce qui va bien et ce qui peut changer le monde ? Et si on s’investissait tous un peu ? Et si on se parlait sans s’engueuler ? Et si demain, on choisissait tous de s’engager, chacun, pour de bon, dans une démarche généreuse . Dehors, au coin de la rue, en face, dans le village d’à coté, il y a quelqu’un qui a besoin d’un peu d’humanité, une association qui a besoin d’un bénévole, un blog qui recherche des blogueurs, que sais-je ! 

Tous les politiques sont des pourris ? Et si vous vous engagiez, ça ferait au moins quelqu’un de bien ! 😉 Parmi tous les partis et les groupes politiques, il y en a bien un qui se rapproche de vos valeurs. 

Je suis naïf, utopiste? Pas grave, c’est ma marque de fabrique, laissez moi y croire un peu. J’ai tendance à croire en effet qu’il y a d’autres pistes que la haine, qu’il y a un chemin plus sage à prendre. J’ai tendance à penser que la democratie peut nous ramener sur le bon chemin; la culture aussi ou parfois simplement le dialogue. J’ai tendance à ne pas voir le mal partout.  Dans cette France prête à voter à 30 ou 40 % pour un FN sans autres solutions que la démagogie et la haine de l’autre, je vois une France à 60 ou 70% qui se refuse à cela. Face aux menaces terroristes, climatiques, sociales, nous devons plus que jamais essayer d’élever le débat. C’est une absolue necessité. 

Votons dimanche cher « les gens » , chers amis. Votons pour ceux qui ne veulent pas gouverner avec comme leitmotiv la haine de l’autre, ceux qui ont foi en la démocratie, pour  ceux qui pensent qu’on peut vivre et s’en sortir ensemble.