Jours de Libération – Mathieu Lindon
Même si les Presse Quotidienne Nationale et Régionale souffrent depuis de nombreuses années et perdent chaque jour quelques lecteurs, l’univers de la « quotidienne » fascine. C’est mon cas depuis aussi longtemps que je suis en âge de me souvenir. Enfant, mon livre de chevet était « Six colonnes à la Une » , un « polar » de Pierre Gamarra dont l’intrigue se situait au coeur d’un quotidien toulousain. Et chez mes parents, on a toujours eu un quotidien voire deux à la maison : La Voix du Nord bien sûr, mais aussi L’est Républicain, La dépêche du Midi, Le Méridional, L’Indépendant puis Nord Eclair enfin, auxquels venaient s’ajouter souvent L’Equipe, souvent Libération, plus rarement Les Echos ou même Le Figaro pour ses pages économiques. 1 an ,alors étudiant, je me suis même abonné à L’Humanité ! 😉 Un bon souvenir, c’est là que j’y ai découvert Albert Jacquard. Aujourd’hui encore, je suis un fidèle lecteur des quotidiens et j’espère sincèrement qu’ils trouveront un business model pérenne, en toute indépendance (ou a minima). La survie du business model du quotidien, cela aurait pu être le sujet de « Jours de Libération », mais Mathieu Lindon est un journaliste (et écrivain) et à aucun moment il ne juge le Plan de Départ Volontaire mis en place par les nouveaux actionnaires du journal. Avec modestie et une simplicité déroutante, il va dans son journal raconter les semaines « fatidiques » qui vont préceder la date butoir de décision pour chaque collaborateur : » Alors, tu pars ou tu restes ? « .
C’est à cette question, la plus posée dans les couloirs ou dans les escaliers du journal (pas dans les ascenseurs visiblement car ceux-ci ne fonctionnent jamais) , que Mathieu Lindon va répondre dans Jours de Libération, même si très vite , on devine l’issue. Le journal, qu’on aurait pu appeler aussi « Chronique d’une transition » trace les décisions des uns et des autres, sans jugement mais pour illustrer le changement fondamental vécu par la rédaction.
Ces mois fatidiques seront d’autant plus importants qu’ils seront marqués par le douloureux épisode de Charlie Hebdo, dont la rédaction sera installée dans les locaux de Libération. On sent bien que ce sujet n’est pas le thème de ce « journal », mais puisque justement c’est un journal, cet épisode vient aussi illustrer la vie d’un quotidien, ces drames qui font la Une, ces sujets qui bouleversent des vies, ces histoires qui se jouent.
Jours de Libération, c’est tout cela, et c’est aussi l’histoire d’une entreprise , comme peu de livres ont réussi à le faire : ces amitiés qui se nouent, ces anecdotes qui font l’Entreprise, ces valeurs partagées qui soudent les gens, ces relations du quotidien si importantes pour son équilibre. Mathieu Lindon n’a jamais besoin de se forcer énormément pour écrire avec brio. Avec une simplicité déconcertante, il nous parle avec autant d’intérêt de la situation de la standartiste que du départ de Gérard Lefort ou de sa relation avec Serge July. C’est parfait et juste du début à la fin.
Bref, Jours de Libération est un livre à lire absolument quand on veut connaître l’envers du décor d’un quotidien. A travers chaque ligne , on sent la sagesse d’un homme passionné par son métier, amoureux de ses deux quotidiens, qui voit les choses changer et qui nous les décrit avec une justesse implacable.
Voilà, moi j’ai adoré. Y’a pas mieux à dire.