Vengences – Philippe Djian 

J’ai un souvenir ému de 37.2 le matin. Comme tout type qui a 40 balais aujourd’hui je présume. Sa sensualité, sa tension, son romantisme. Et donc j’ai toujours été indulgent face aux écrits de Philippe Djian. Car quand on a écrit 37.2 , ça donne le droit  au pardon. C’est un peu comme Luc Besson. Je pense que je déteste a peu près les 3/4 de ce que fait Besson aujourd’hui. Mais j’ai connu le Grand Bleu; et j’ai plongé. Et bien, en ce qui concerne « Vengeances », un Djian de 2011, l’indulgence est un peu là à cause d’un final un peu décevant selon moi, mais l’ensemble reste fort,  incisif, tendu. De la première à la  (presque) dernière ligne. 

  
Mais que ça commence fort ! « Les plus atteints étaient les plus jeunes, sans nul doute, ceux qui avaient une vingtaine d’années. Environ. Il suffisait de les regarder. Je l’avais réellement compris lors d’une petite réception chez nos voisins, quelques jours avant Noël. Lorsque mon fils de dix-huit ans, Alexandre , avait médusé, puis terrifié l’assistance en se tirant froidement une balle dans la tête. En s’effondrant sur le buffet« . 

Voilà, ce sont les toutes premières lignes. Je les ai relues au moins 3 ou 4 fois pour être sûr de bien rentrer dans le bouquin. Pas de répit, pas le temps de souffler. Pas de préambule, pas de blabla, ce polar nous laissera peu de répit.

Quelques mois après ce drame, alors que la vie de notre « héros », Marc, le père d’Alexandre, s’effiloche, celui ci ramène chez lui une gamine de 18 ans qui est en train de sombrer dans son vomi dans le RER, au bord du coma éthylique. Il s’avère que cette fille , baptisée Gloria, n’arrive pas dans sa vie par hasard, puisqu’il découvre que c’était la petite amie de son fils.  La relation beau père-belle fille qui débute alors va bouleverser les fragiles équilibres de sa nouvelle existence et notamment ses liens avec ses meilleurs amis, Anne et Michel. A partir de là, stop, je ne vous raconte plus rien. Vengeances va multiplier les pistes : que fait cette fille , que veut-elle ? qui veut coucher avec qui ? qui en veut à qui ? quelles jalousies ? quelles rancoeurs vont remonter à la surface ? 

Tout cela se suit non sans une certaine tension. Ca se lit évidemment super vite, mais c’est fait pour ça. 

Vengeances est aussi l’histoire d’une génération, façon Djian: on navigue dans un milieu d’artistes de gauche, anciens activistes, qui se nourrissent de lignes de coke et d’alcool (et ça ne s’arrange pas quand on perd un fils), avec des couples qui se forment et se déforment,  aux amitiés si fortes et fragiles à la fois.  C’est évidemment un regard de parent aussi sur ces enfants dont on ne suit plus le chemin. Marc a vu son fils se suicider sous ses yeux sans avoir vu un quelconque signe et va s’étonner de façon quasi dramatique quand il apprend que son fils était devenu végétarien quelques mois avant sa disparition.  Vengeances est aussi le roman de cette même génération qui s’est libérée sexuellement et qui ne s’est plus bien comment gérer cela la cinquantaine venue. 

Ca ressemble parfois à du Despentes avec un peu de Ellis dedans. Bref, c’est du Djian. De bon niveau.