Lidl et son rapport contrarié avec les marques
Depuis plusieurs années, l’enseigne LIDL s’est engagée dans un chantier pharaonique visant carrément à sortir du hard discount préférant s’orienter selon ses dirigeants vers un « supermarché de proximité à assortiment sélectionné », euh… un supermarché, quoi !
Cette stratégie passe évidemment par un immense travail sur l’assortiment avec le développement des grandes marques en rayon (le virage avait été amorcé dès 2007) mais aussi bien entendu le concept, la théatralisation etc… Les métamorphoses sont présentes et visibles ! Et bien entendu, pour sortir de l’image de hard discounter, Lidl a massivement investi en communication, au point de devenir l’un des plus gros investisseurs pub de la distribution en 2015, avec 216 millions d’euros selon Kantar Media.
Et attention le virage ! Nous sommes très loin des publicités cheap des années 90 où le distributeur faisait visiblement exprès de « mal faire ». Récemment, il faisait même appel à l’ex Miss France Malika Ménard pour vanter les mérites de sa crème anti âge en marque propre Cien dans un spot en prime time particulièrement léché, que n’auraient pas renié des marques bien plus prestigieuses.
On peut également s’attarder sur la qualité des catalogues Foires aux Vins ou le nombre de postures qui sont prises ici et là : citoyenneté, made in France etc. Bref, reconnaissons qu’il y a une vision, une ligne directrice et un vrai projet d’entreprise. On est d’accord ou pas. Mais on y voit clair et c’est bien là l’essentiel dans la conduite d’une stratégie.
Par contre, je m’arrête un instant sur les dernières pubs de l’enseigne sur la publicité comparative. On sent bien entendu dans cette nouvelle campagne une inévitable envie d’en découdre avec les spécialistes de cette forme de publicité qui a envahi la distribution alimentaire et une volonté de vanter la qualité des produits MDD de Lidl : « Nous sommes un créateur de MDD et essayons de nous approcher au maximum des grandes marques, assure Michel Biero, gérant de Lidl France »
Selon moi, l’abus de comparative tue la comparative. Certains apprécient, mais je ne suis pas convaincu du résultat. C’est lassant, c’est pénible et sérieusement, je ne regarde plus les caddies trônant fièrement en entrée de magasin et se glorifiant de battre un tel ou un tel avec des critères bien à soi invérifiables.
D’ailleurs qu’apportons nous au consommateur en lui expliquant que le Thon Petit Navire vendu au supermarché est quelques centimes d’euros plus cher que le thon de la MDD de Lidl ???? D’autant plus que c’est un produit facilement trouvable en promo. Et c’est le cas aussi des vingt autres produits contre lesquels s’attaque l’ex hard discounter parmi lesquels on ne trouve que des cadors : Magnum , Grand-mère, Whaou!, Teisseire, Chocapic, Bonduelle, Mamie Nova, Kinder, Bridélice etc….
Que des cadors ou presque. Et Coca Cola ou Nutella par exemple, oubliés par hasard par Lidl ou simplement inattaquable ?
Plus sérieusement, le véritable coup de tonnerre de cette publicité, c’est l’affront que fait Lidl à ces marques (dans un article du Figaro,Ivan Letessier parlait même de « blasphème ») alors même qu’elle a misé sur elles pour assurer son repositionnement et attirer une nouvelle clientèle. Q’on le veuille ou non, que l’on trouve cette campagne habile ou pas, c’est le signe édifiant d’un rapport contrarié avec les marques et avec ce même positionnement. Le signe d’une transition qui ne se fait pas si simplement que ça, mais vu le chantier, ce n’est pas anormal.